vendredi 8 janvier 2016

L'homme idéal existe, il est Québécois : un roman de Diane Ducret


Roman d'amour
Rayon: Littérature
Genre: Roman chick lit
Cible: Femmes


Le titre de ce livre m’a littéralement accrochée. Non, il ne s'agit pas d'un essai sur l'homo sapiens québécois mais d'une comédie romantique du genre "chick lit". Je ne suis pas vraiment friande de ce genre de littérature pour filles, mais le titre du dernier roman de Diane Ducret m'a touchée personnellement. 


Je me souviens

Parce que, à 22 ans, j'ai pensé moi aussi que l'homme idéal, ou tout du moins l'homme de ma vie (est-ce la même chose?) était Québécois. La narratrice raconte avec un humour ravageur le choc de deux cultures. La communication dans le couple est déjà difficile, alors imaginez une Française avec un Québécois! J'ai été confrontée moi aussi à quelques chocs culturels avec le Québécois de ma jeunesse (coucou Clément!). Comme par exemple, un jour où on se préparait à sortir chez des amis, il m'avait demandé de m'habiller "propre". Je me suis sentie vraiment insultée à l'idée qu'il me voyait comme une gueuse... Après quelques échanges musclés, j’ai finalement compris que « s’habiller propre » pour un Québécois, cela voulait dire « s’habiller chic » pour un Français. Et le clou, ce fut le Festival du cochon à Sainte-Perpétue, le village de campagne d’où venait mon Québécois. Le Festival du cochon pour une jeune Française d'une banlieue bourgeoise de Paris qui vient de débarquer, cela a été toute une douche glacée : l’atmosphère de foire agricole, les gradins inconfortables, les odeurs de purin, la course au cochon graissé dans une arène de boue, et le public hilare… Mais c'est du passé, passons...

Complexité (de la Française) vs simplicité (du Québécois)

Le roman met en vedette une jeune Basque – donc « provinciale » comme elle se décrit elle-même – qui atterrit au fin fond du Québec hivernal pour une semaine de découvertes géographiques et amoureuses avec un charmant artiste peintre qu'elle a rencontré brièvement à Paris et pour lequel elle a eu un coup de cœur. S'ensuit tous ces petits moments qui constituent la naissance d'une relation entre une femme et un homme. La narratrice est désorientée parce que la relation avec le beau Québécois, de surplus papa d’un petit garçon de 5 ans, ne repose pas sur un rapport de séduction à la française mais plutôt sur une suite d’expériences terre-à-terre, qui sont autant de petites épreuves à surmonter pour tester le lien amoureux.

La narratrice décrit bien toutes les craintes, peurs, désirs, doutes, espoirs que vivent souvent les femmes dans un début de relation. Elle dissèque aussi le comportement de ce spécimen québécois (gentil, franc, direct, bienheureux, viril mais pas macho ni rose, pragmatique, proche de la nature et des gens) qui contraste avec les hommes français plus sombres, râleurs, roublards et secrets, dont elle fait d’ailleurs un inventaire très drôle et détaillé. Aussi la narratrice décrit avec dérision ses contradictions de jeune Française moderne (soucieuse de son apparence, séductrice, intello, pas maternelle, un côté « princesse Ancien Régime », et plutôt « cueilleuse » que « chasseuse »). Dans l’avion du retour, elle réalise qu'elle doit arrêter de se poser mille questions et apprendre à exprimer ses envies plutôt que ses peurs.  

On aime moins

Il y a beaucoup de clichés sur le Québec et les Québécois dans le roman (le froid polaire, la cabane dans le fond des bois, le drôle de vocabulaire, la promenade en traineau, etc.). Les dialogues sont tellement dénaturés qu’ils en deviennent caricaturaux, avec des expressions qui semblent sorties tout droit d’un dictionnaire d’expressions québécoises. On est loin du joual bien vivant de Michel Tremblay. Disons que ce Québec dépeint par la jeune narratrice s’adresse à un lectorat français et non pas québécois. 


Pour conclure, j'ai trouvé cette lecture très agréable et amusante à lire. Je me suis un peu reconnue dans la narratrice. Dans toute lecture, on aime retrouver un peu de soi-même... L’histoire est cocasse et parsemée de quelques belles réflexions sur les relations amoureuses vues par une trentenaire célibataire endurcie qui rêve encore du grand amour parfait. Finalement, l'homme idéal n’est-il pas celui avec qui on vit le moment présent et dans lequel réside notre désir d’amour? Le Québécois du livre n'a rien d’un homme idéal ni parfait, mais il est là, tout simplement, apparemment amoureux, et riche de sa différence.

Quelques citations :

Sur le conflit :
« Nous les Français, on aime crier pour le sport, pour la beauté du geste, pour se purger la bile. Un certain conflit est séduisant pour le piment qu’il injecte dans la relation et l’adrénaline qu’il suscite. Énerver un Parisien, c’est très facile : s’immobiliser devant lui dans un escalator, conduire lentement sur la file de gauche, lui demander où sont les autres pièces de son appartement, ou de vous prêter quelque chose. Au Québec, le conflit ouvert provoque au contraire chez l’homme une réaction de malaise » (p. 128).
Sur la séduction :
« Ils ne sont pas programmés pour les rapports de séduction, les Québécois, ils ne savent pas faire. Cela a certes des bons côtés. On peut passer devant un chantier sans avoir l’impression d’être un steak exposé sous le nez d’une rangée de chats maigres. Le Québécois respecte trop la femme pour aller mettre sa main là où il ne faut pas, sauf si on le lui demande. Là, il la mettra où l’on veut, mais on ne sait pas trop si c’est par politesse ou par désir. En revanche, les fleurs et les poèmes, faut oublier, ça n’arrivera pas. Il nous parle comme à un de ses chums, et c'est déroutant. » (p. 173-174)
Et il faut savoir aussi que quand un Québécois demande à une femme quelle heure il est, c’est vraiment pour savoir l’heure…

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Ducret, Diane. "L'homme idéal existe. Il est Québécois". Paris : Albin Michel, 2015
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3 commentaires:

  1. A mon avis, la jeune Basque devrait aimer le Festival du cochon. De plus, j'ai appris ce qu'était un chum ... merci Tata Lolo de nous cultiver un peu !

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  2. Oui c'est vrai 😃 Dommage qu'elle n'en parle pas dans le roman! Un chum c'est un ami, et quand j'utilise ce mot j'ai l'impression d'éternuer (atchum!),J'attends la famille basque pour aller au Festival du cochon en août prochain avec Clément! 😉

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  3. COMMENTAIRE DE PHILIPPE D. DU 17/02/2016:
    "Ton analyse est remarquable et touchante. Elle me donne très envie de lire le livre."

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