samedi 21 février 2015

Le "Matin brun" de Pavloff : État brun, VDM

Pour faire écho à la philosophie des Lumières de Voltaire et de son Traité sur l'Intolérance, voici une fable des temps modernes écrite par l'auteur français d'origine bulgare, Franck Pavloff. Avec la simplicité des contes pour enfants, l'histoire aborde un sujet lourd: le totalitarisme. L'État brun a décidé qu'il était interdit d'avoir des chiens et des chats d'une autre couleur que brune. Le narrateur et son ami, qui veulent éviter les problèmes, se résignent à tuer leurs compagnons à quatre pattes pour reprendre quelque temps après un chat et un chien bruns, et se conformer ainsi à la loi. Mais l'État décide alors que tous ceux qui avaient possédé dans le passé un chien et un chat autre que bruns représentaient une insulte à la nation et devaient être arrêtés. En peu de mots, l'auteur réussit à raconter la lente dégringolade d'un état dans le totalitarisme. Et la couleur brune est très symbolique: État brun, politique brune, vie sans couleur, vie de merde.

Cette histoire forte, intemporelle, porte à réfléchir sur la montée du totalitarisme et des extrémismes, et le désarroi des personnes qui se trouvent confrontées à de telles abérrations. L'oeuvre de Pavloff peut être lue à tout âge, d'où son énorme succès depuis sa sortie en 1998. Les éditions Albin Michel publie la fable de Pavloff dans un petit format s'apparentant aux livres pour enfants, avec des illustrations de l'artiste urbain C215. Ces oeuvres sont belles et percutantes mais n'apportent rien selon moi à l'histoire qui se suffit à elle-même.

L'universalité de cette fable a mené à toutes sortes d'analyses, et on ne peut s'empêcher de faire référence au premier abord aux nazis (les "chemises brunes") et à l'Holocauste. Et aussi reviennent à la mémoire les mots de Martin Niemöller, pasteur antinazi: "Quand ils ont arrêté les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste ; quand ils ont arrêté les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste ; quand ils ont arrêté les juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif ; quand ils sont venus m’arrêter, il n’y avait plus personne pour protester" (1942).

À lire, à partager et à méditer, pour ne plus jamais laisser des États et des matins bruns exister.
Texte intégral en pdf

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Pavloff, Franck. "Matin brun", oeuvres de C215. Paris : Albin Michel, 2014, 69 p, 20 cm.

1 commentaire:

  1. Commentaire de Philippe Dupourqué, 23/02/2015:

    "Oui , les chemises brunes ...

    Je relève aussi ta citation de Martin Niemöller, pasteur antinazi:

    "Quand ils ont arrêté les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste ; quand ils ont arrêté les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste ; quand ils ont arrêté les juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif ; quand ils sont venus m’arrêter, il n’y avait plus personne pour protester" (1942).

    C'est terriblement vrai mais il est évident que ce n'est jamais aussi linéaire : souvent on comprend trop tard.

    Et sous les bombes on ne cherche pas à discerner qui est communiste, juif ou musulman.

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