mardi 19 avril 2016

La vieillesse de Janette Bertrand


 "Ou bien t'es vieux ou bien t'es mort" 

Dans le mot vieillesse, il y a le mot vie!


La vieillesse de Janette Bertrand, éd. Livre Expression, les personnes âgées, vieux, ainés, la retraite, la mort, la peur de vieillir, comment bien vieillir
"La vieillesse par une vraie vieille" de Janette Bertrand, éd. Libre Expression, 2016
 
Rayon : Biographies 
Genre : Autobiographie 
Public-cible : Retraités, personnes âgées, et tous ceux qui ont peur de vieillir

Un titre accrocheur : « La vieillesse par une vraie vieille »

Un nom connu : Janette Bertrand
Un visage lisse de vieille dame. 
Et une canne!



Notre Janette nationale 

 

Janette Bertrand, pour ceux qui habitent outre-Atlantique et ne la connaissent pas, est une auteure, animatrice et journaliste très connue au Québec. Lorsque j’étais fraichement débarquée au Québec dans les années 90, je regardais avec grand intérêt son émission télévisée
« Parler pour parler » qui réunissait des personnes invitées à s’exprimer à table sur divers sujets (famille, couple, sexualité, etc.). Le concept était original et c’était une sorte de téléréalité avant l’heure.  


Janette a 91 ans. Je me permets de l’appeler par son prénom parce qu’à force de rentrer dans nos foyers par ses émissions et ses téléromans, elle est aujourd’hui notre mère, notre sœur, notre grand-mère à tous. Quatre-vingt-onze-ans, waow, quel âge honorable! Il y a toujours quelque chose de miraculeux dans une personne qui a survécu à toutes les épreuves de la vie et qui atteint le grand âge en toute conscience. On lui doit non seulement tout notre respect mais aussi notre admiration. Janette se traite elle-même de « vieille » sans honte. Elle est fière d'être une vieille et surtout heureuse d’être encore en vie à 90 ans.  


Janette Bertrand est de la même génération que ma mère, la « génération 1925-1942, dite silencieuse : les hommes dominants, les femmes dominées… » (p. 61). Elle a la même "bonne bouille" que ma mère, des mêmes yeux couleur noisette avec un regard pétillant, un même sourire chargé de naïveté, le même petit nez un peu épaté, la même gentillesse, la même effervescence et curiosité intellectuelles sans être pour autant « intello ». Bref, j’aime Janette d’emblée pour ce qu’elle est. Et en plus, j’aime les vieilles dames que je trouve attendrissantes. Quand ma mère a fêté ses 82 ans, je lui ai dit qu’elle était bien partie pour se rendre jusqu’à 90, elle m’a répondu affolée : « Je vais vivre si vieille? ». Manifestement, cela ne lui tentait pas et elle est malheureusement morte subitement quelques mois après.

 

Une autobiographie entre confessions et réflexions



La vieillesse par une vraie vieille est une autobiographie dans laquelle Janette Bertrand aborde le sujet de la vieillesse et de tous ses aléas. Il s’agit de simples confessions et réflexions, et il ne faut pas s’attendre à de grandes révélations ni à un discours intellectuel sur la question. Même si on y trouve quelques clichés et redondances, on sent la générosité et la sincérité de madame Bertrand vis-à-vis de ses lecteurs. Janette nous « parle » tout simplement. Elle n’est pas une écrivaine mais une communicatrice.  


Le livre se partage en une soixantaine de courts chapitres sans ordre apparent. Tous les aspects de la vieillesse sont abordés : la retraite, le bonheur, la solitude, la honte, le vieillissement du corps, la beauté, la sexualité, l’intimité, la santé, l’argent, la transmission, la dépression, les étiquettes, l’écriture, les peurs (de vieillir, du changement, d’être un poids, de finir dans la pauvreté, de la solitude, d’être placé, de la maladie, de la mort).

 

La retraite et la vieillesse


Je suis encore loin de la retraite, mais suite à la lecture du livre de Janette, j’ai des idées plus claires sur comment préparer mes vieux jours. Contrairement à elle, je n’ai pas d’enfants donc pas de clan familial pour veiller sur moi à l'âge d'or. Il y a déjà deux bonnes adresses que je vais retenir:


1) Les Tours Frontenac, à Montréal, qui est un complexe immobilier intergénérationnel dont 56% des locataires ont 65 ans et plus. Situé en pleine ville, proche de tous les services, les ainés et les jeunes se côtoient et s’entraident. Le complexe comprend des magasins, activités, services spécialisés et adaptés. Le seul hic est qu’il n’y a pas de disponibilité et que la liste d’attente est très longue…  


2) L’Institut gériatrique de Montréal qui aident et écoutent les « vieux ».

Janette déconseille fortement les retraites inactives. C’est en effet plutôt illusoire de penser pouvoir être heureux et épanoui avec des vacances qui peuvent durer une bonne trentaine d’années! Non, il faut rester actif, travailler, faire du bénévolat, avoir des projets. « Ce n'est pas le travail qui tue c'est l'inaction. » (p. 158). 



La vieillesse n'est pas une maladie mais une bénédiction. « Comme vieillir est la seule solution possible, écrit Janette (p. 36), alors autant l'accepter et en profiter. C'est ennuyeux, mais à ce jour, vieillir, c'est le seul moyen qu'on a trouvé pour vivre longtemps. [...]. Je ne suis ni une grande malade ni une invalide, je suis juste vieille! » (p. 81). 
 
Et malheureusement, la vieillesse est souvent synonyme de maladie. Les vieux sont des «Tamalou» (= « t’as mal où? »). Pour eux, « la maladie est un sujet aussi intarissable, aussi riche et aussi rassembleur que la météo ou la politique. […] Parler de ses maladies, c’est une façon de parler de soi. » (p. 173).  

« Mais la vieillesse est gentille dans le fond, elle nous prépare au deuil de notre vie, en nous envoyant des mini-deuils. » (p. 93). Eh oui, vieillir, c’est perdre certaines facultés au fil des années : l’ouïe, la flexibilité, l’équilibre, la mémoire, la vue, etc., jusqu’à l’anéantissement final du corps.  

Et Janette n’a pas peur de la mort. Mais elle ne veut juste pas mourir!

 

Les recettes de bonheur

   
Les recettes de bonheur de Janette se résument en quelques mots : amour, famille, amis, et surtout projets. « Le bonheur ne se jette pas sur les gens, le bonheur, c’est un état d’esprit, une façon de penser qu’on peut acquérir puis développer tout au long de sa vie. » (p. 74)

Son secret no 1 du bonheur : les petits plaisirs quotidiens qu’il faut savourer pleinement malgré les douleurs et insécurités de l'âge. C’est plus facile de rester dans le moment présent quand notre avenir est restreint.


Son secret no 2 du bonheur : la respiration! Respirer en toute conscience pour une personne âgée est non seulement un moment de détente et de méditation mais aussi un moment de bien-être physiologique puisque l'oxygénation du corps se fait mieux. Avec les douleurs, les contrariétés, les anxiétés de l'âge, la respiration peut rester bloquée. Mon père de 85 ans me dit souvent que quand il prend le temps de bien respirer, il voit une grande différence sur son état général.


Et le remède de Janette contre les douleurs de l'âge? Avoir une occupation assez passionnante pour oublier son corps endolori!



La sexualité des vieux


Sujet tabou! « Les caresses des vieux amants semblent plus indécentes que le plus hard des films pornos! » (p. 202).

Janette nous parle de sexualité avec lucidité et pudeur, sans tomber dans la confession intime avec détails croustillants bien évidemment.


« Hommes et femmes âgés, nous avons besoin de nouvelles manières de faire l’amour avec rides, bedons, panne d’érection, sècheresse vaginale et tutti quanti. » (p. 142). En vieillissant, il est mieux de « préférer l’érotisme à la génitalité » (p. 202). Le désir sexuel, qui mène à l’orgasme, laisse la place au « désir de caresses, de communication intime » (p. 203). Et cette « intimité mène à la tendresse » (p. 205).


Selon Janette, « le défi de la vieillesse est d’accepter de changer sa façon de faire l’amour, d’accepter que ce n’est plus comme avant, mais qu’il peut y avoir du plaisir à partager des caresses et des baisers, de faire la tendresse avec volupté. La tendresse, c’est le ciment des vieux couples qui s’aiment. » (p. 206).


« Faire la tendresse avec volupté » ! Une belle expression à retenir.



La lecture


Les livres peuvent être d’excellents compagnons de vie pour les vieux. Janette a la même passion pour les livres que ma mère avec la seule différence que les livres étaient devenus les seuls compagnons de vie de ma mère.
 

Janette se confesse: « Le livre est pour moi plus qu’une distraction, c’est un moyen de fuir la réalité, c’est une université. J’ai appris dans les livres tout ce que je sais sur l’être humain et je continue d’apprendre. On peut dire que les livres sont une drogue dure pour moi. J’ai tellement peur d’en manquer que, en plus d’en acheter dans les librairies […] j’emprunte des livres à mes enfants, à mes amies, à une bibliothèque publique […]. Je vis entourée de livres. » (p. 292)

Janette souffre-t-elle d’abibliophobie? Un mot que j’ai appris récemment sur Facebook et qui signifie la peur de ne plus rien avoir à lire!



 

Mon avis sur le livre


Cette autobiographie de Janette Bertrand offre une lecture rafraîchissante sur un sujet "desséchant" et amène le lecteur à une réflexion sur la place sociale des personnes âgées dans notre société. Janette Bertrand est une femme qui a revendiqué tout au long de son parcours professionnel et personnel un rapport égalitaire entre les hommes et les femmes. Aujourd’hui, elle est une « vieille » qui veut revendiquer un rapport égalitaire entre les jeunes et les vieux, et lutter par le fait même contre l’âgisme. Prôner l'égalité et la mixité des âges : quelle noble bataille!

Quelques reproches à faire :


- Ça manque de photos! C’est beau de parler de la vieillesse mais il ne faut pas avoir honte de la montrer comme le fait si bien Baddie Winkle, cette pétillante mamie de 88 ans sur Instagram.


- Quelques redites. Certains mécréants pourraient dire que c’est du radotage. Je dirais plutôt que le livre est fait comme une conversation spontanée.


- Je ne trouve aucune trace de Janette sur les réseaux sociaux. Pourquoi n’est-elle pas sur Facebook ou Twitter? Ses lecteurs et lectrices seraient ravis d’échanger avec elle!


- Sur le chapitre sur la beauté (p. 127), elle parle de la chirurgie esthétique comme d’un sujet encore tabou qui sera banalisé « d’ici cinquante ans » (!). Elle qui n’a jamais eu peur des sujets tabous, pourquoi ne parle-t-elle pas ouvertement de sa chirurgie esthétique qui est pourtant flagrante et de cette mode exagérée pour le jeunisme? De mon humble opinion, je pense plutôt que la chirurgie esthétique sera démodée d’ici cinquante ans et que les rides seront à la mode!



En conclusion


Laissons à Janette le mot de la fin: 


« Il n’y a pas de mérite à être jeune, mais il y en a à se rendre jusqu’au bout de la vie en souriant. Bien vieillir, c’est une passion à laquelle je travaille chaque minute de ma vie. » (p. 299). 



Mon mari à l'éternelle jeunesse



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Bertrand, Janette. La vieillesse par une vraie vieille, Montréal : Libre Expression, 2016.
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Et pour le plaisir et la nostalgie, voici "Les vieux", 
magnifique chanson de Jacques Brel




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Une suggestion de lecture sur le même thème :

Gobiet, Pierre. Une si longue vie : comprendre et accompagner le très grand âge. Bruxelles, Belgique : Mardaga, 2015.


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La Gazette de Lau, 2016

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